DETOX HISTORY / 2014
(scroll down for French version of the text)
DETOX HISTORY (A PERFORMANCE BY VOLKAN DIYAROGLU)
Turkish artist Volkan Diyaroglu created a replica of the Turkish flag and washed it in bleach as a gift to his mother to commemorate her daily work caring for a large family. The flag is said to represent a pool of blood reflecting the sun, moon and stars as seen by the Sultan Alp Arslan after the Battle of Manzikert (1071). Washing as performance testifies to the caring of a mother, as well as centuries of bloodstains. It is an ugly, smelly and generous action of necessity that demonstrates responsibility.
Once thoroughly washed, the flag was hoisted and dried between sunset and sunrise in the skyline of St. Josse, one of the 19 municipalities of Brussels. On May 1st, 37 years after the Taksim Square Massacre at the outbreak of Labour Day 1977, Diyaroglu transported it by public bus before mounting and raising it amongst the other flags in front of the European Parliament.
Historically, the most infamous cases of flag desecration are produced with flames and ashes. Diyaroglu doesn’t burn. He cleans and erases. Fire is replaced by bleach and a synthetic flag is copied with cotton. The performance in full, can be interpreted as the embodiment of the type of ‘passive revolt’ described by Albert Camus in his text ‘The Rebel.’
“This is not a political work. I am not protesting anything. I only want to clean a flag, and relay what happens with what has happened as I play a role in what is happening.” (Volkan Diyaroglu)
« L’histoire prodigieuse qui est évoquée ici est l’histoire de l’orgueil européen. […] L’homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est. La question est de savoir si ce refus ne peut l’amener qu’à la destruction des autres et de lui-même. Si toute révolte doit s’achever en justification du meurtre universel, ou si, au contraire, sans prétention à une impossible innocence, elle peut découvrir le principe d’une culpabilité raisonnable. » (Albert Camus, L’homme révolté).
Text: Louise Mezel
Photos: Gaubier Houba Photography, Volkan Diyaroglu, Marcin Dudek
DETOX HISTORY (A PERFORMANCE BY VOLKAN DIYAROGLU)
‘Detox History,’ est une action publique dans laquelle l’artiste lave et hisse aux yeux de tous la réplique qu’il a créée du drapeau de la Turquie, son pays d’origine. Après un lavage à la main et à l’eau de javel réalisé à Saint-Josse, le drapeau est laissé sécher à l’air libre. Puis celui-ci est monté sur un mât et transporté en bus jusqu’au Parlement européen où il devient le 29ème drapeau à flotter dans les airs. Cette action est achevée le 1er mai, date devenue symbolique dans l’histoire de la Turquie, depuis le massacre de la place Taksim qui avait eu lieu le 1er mai 1977, lors de la manifestation de la Fête du Travail.
Selon une des légendes les plus célèbres, le drapeau turc représenterait le reflet de la lune et de l’étoile, que le sultan Alp Arslan aurait vu dans la mare de sang des guerriers turcs déchus, après la bataille de Manzikert (1071).
Là où d’autres brûlent les drapeaux en guise de revendications – aux États-Unis notamment, lors de la révolte contre la ségrégation raciale, et, plus récemment en Chine où un activiste hongkongais a été condamné en 2013 à neuf mois de prison pour avoir brûlé et profané le drapeau chinois, à Tunis en protestation contre l’opération française militaire menée au Mali, ou encore en Arménie, où brûler le drapeau turc est devenu signe de la revendication du génocide arménien de 1916- Volkan reproduit quant à lui, dans un geste de compassion et de générosité, la tâche quotidienne qu’effectuait autrefois sa mère, lorsqu’elle lavait le linge familial.
Le feu est remplacé par l’eau de javel, le drapeau par un simulacre en coton. L’artiste se ré-approprie les codes des revendications politiques passées et présentes, pour en éteindre les feux. Il lave, soigne et réinvente à l’aune de sa propre conscience, un pan de la mémoire collective.
This is not a political work. I am not protesting anything. I only want to clean a flag, tell what happens, what has happened and play an active role in what is happening.
« Detox History » pourrait en quelque sorte être le récit d’une « révolte passive ». En lavant métaphoriquement la mémoire de ses origines, Volkan réactualise finalement, par le biais de la performance, une réflexion déjà largement entamée en 1951 par Albert Camus, sur les différentes façons par lesquelles un homme peut chercher à redéfinir son histoire.
« L’histoire prodigieuse qui est évoquée ici est l’histoire de l’orgueil européen. […] L’homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est. La question est de savoir si ce refus ne peut l’amener qu’à la destruction des autres et de lui-même. Si toute révolte doit s’achever en justification du meurtre universel, ou si, au contraire, sans prétention à une impossible innocence, elle peut découvrir le principe d’une culpabilité raisonnable. » (Albert Camus, L’homme révolté).
Texte: Louise Mezel
Photos: Gaubier Houba Photography, Volkan Diyaroglu, Marcin Dudek